lundi 8 décembre 2014

Portes closes aux Maisons closes

De ces femmes qui attendent dans la rue, je ne connais rien. Hormis ce qu’elles y font.
De ces femmes que je croise dans la rue, je ne connais rien. Pas même ce qu’elles font.


La différence réside dans la perception.




Celles qui attendent, travaillent. Celles que je croise, ne font que passer.


Celles qui attendent, interrogent. Celles que je croise ne font que passer.


Celles qui attendent, attisent. Celles que je croise ne font que passer.


Celles qui attendent, dégoûtent. Celles que je croise ne font que passer.


Celles qui attendent, se font payer. Celles que je croise ne font que passer.


Celles qui attendent, vendent. Celles que je croise ne font que passer.


Celles qui attendent, choisissent. Celles que je croise ne font que passer.


Celles qui attendent, subissent. Celles que je croise ne font que passer.


Celles qui attendent, énervent. Celles que je croise ne font que passer.


Celles qui attendent, sont injuriées. Celles que je croise ne font que passer.


Celles qui attendent, sont méprisées. Celles que je croise ne font que passer.


Celles qui attendent, sont adulées. Celles que je croise ne font que passer.


Celles qui attendent, sont en danger. Celles que je croise ne font que passer.


Quelles différences entre celles qui attendent et celles que je croise. Des êtres à la dérive et d’autres à quai.


La dérive n’est pas qu’une question de volonté, un amarrage solide est nécessaire.
Sans cordage le bâteau part à la dérive.
Mais si on l’arrime. Il reste à quai. Il n’attend pas. Il a sa place.


Ces femmes qui attendent, qu’on pense à la dérive, ont-elles une place ?
Au lieu de pénaliser leur client, ne peut-on pas leur proposer un lieu deçent.


Une place. Un lieu. Une maison. Au lieu de leur donner la rue.


La rue, comme une punition à être ce que l’on trouve abjecte.
Un lieu, comme une position, la reconnaissance d’une “profession”


La rue, les regards aux abois, les phrases déplacées, les mots acérés, la violence suscitée, l’envie réprimée, le dégoût exprimé, les sollicitations déclinées, les accords acceptés. Une voiture, un parking. Une passe. Une autre. La curiosité de cet instant où se joue le pacte.


J’ai regardé ces femmes, je les ai observé. Je suis entrée dans cette strate où les mots n’existent pas. Juste des actes froids et vite expédiés. Des jouissances avortées sous des réverbères allumés.
Des silhouettes qui s’agissent, de la buées sur les vitres.
Une porte qui claque.
L’attente de nouveau.


Pourquoi encore aujourd’hui la rue est la seule place qu’on accorde à celles qui attendent.
L’alternative : Pénaliser pour créer un marché parallèle encore plus avilissant ?


Le droit des lois n’est pas toujours celui qui en donne le plus.
Accepter. Réglementer. Héberger ont plus de sens que repousser.
Le marché est là. Lui donner un lieu n’est pas le démulplier mais protéger.
C’est de vies dont on parle ici.


Le désir existera toujours. Les filles qui attendent aussi. Rien n’y changera. Ce qui changera c’est le statut qu’on donnera à ces filles là.


Des filles qui n’attendront plus.
Des filles qu’on croisera.


Faut-il cautionner pour protéger ?


En 2014 ,à Lyon, en France, les maisons closes restent portes closes.